Épinglage - 08/11/2025 cours 2, Monique Kusnierek
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Monique Kusnierek poursuit sur la psychose ordinaire. Elle propose une lecture de l’intervention de Jacques-Alain Miller lors d’un séminaire anglophone qui s’est tenu en 2008, 10 ans après la Convention d’Antibes. Cette intervention a été publiée sous le titre « Effet retour sur la psychose ordinaire »[1]. Elle donne ensuite un écho du Colloque UFORCA qui s’est tenu en 2024, « Diagnostic sur mesure »[2].
En 2008, JAM situe la psychose ordinaire comme une catégorie clinique lacanienne, une création qu’il a extraite du dernier enseignement de Lacan. Son texte « Effet retour sur la psychose ordinaire » porte sur l’usage pratique du terme au cours du travail effectué pendant de nombreuses années et par de nombreux collègues.
Il n’a pas inventé, dit-il, un concept avec la psychose ordinaire : « J’ai inventé un mot, une expression, j’ai inventé un signifiant, en donnant une esquisse de définition pour attirer les différents sens, les différents reflets de sens autour de ce signifiant. Je n’ai pas livré de savoir-faire sur l’utilisation de ce signifiant. J’ai fait le pari que ce signifiant pouvait provoquer un écho chez le clinicien, le professionnel. Je voulais que cette expression prenne de l’ampleur et voir jusqu’où cette expression pouvait aller. »[3]
Il n’est donc pas sûr, dit-il, que la psychose ordinaire soit une catégorie objective, c’est-à-dire une catégorie qui puisse se penser indépendamment de toute expérience. Il s’agit plutôt d’une catégorie épistémique, c’est-à-dire une catégorie qui relève de la manière dont nous la connaissons. Et cette manière de la connaître renvoie à une question d’éprouvé. C’est une question d’intensité qui nous oriente vers ce que Lacan appelle « un désordre provoqué au joint le plus intime du sentiment de la vie chez le sujet »[4]. Ce désordre, chaque parlêtre le ressent. Dans la psychose ordinaire, JAM nous invite à nous mettre à la recherche de tout petits indices, et à leur tonalité, à propos de ce désordre ; en tant que ce désordre peut se situer dans la manière dont le parlêtre se rapporte au monde environnant, à son corps, à ses pensées, etc.
Le texte se termine sur les conséquences théoriques de la psychose ordinaire qui vont dans deux directions opposées. Dans une direction, pour décider qu’il s’agit d’une névrose, il nous faut peaufiner ce que nous appelons névrose. La névrose est une structure précise, pour laquelle il faut au moins la fonction du Nom-du-Père, la castration et une différentiation nette entre signifiant et pulsion. Dans une autre direction, celle que suit Lacan, on est conduit vers une généralisation de la psychose en tant que le Nom-du-Père n’existe pas, qu’il est toujours un prédicat, un attribut. Et dire que le Nom-du-Père est un prédicat, c’est effacer la différence entre névrose et psychose. On se retrouve alors dans la perspective de ‘tout le monde est fou’, ‘tout le monde délire’. « Être analyste, c’est savoir que votre propre monde, votre propre fantasme, votre propre manière de faire sens est délirante. C’est la raison pour laquelle vous essayez de l’abandonner, juste pour percevoir le délire propre à votre patient, sa manière de faire sens. »[5]
La Conversation clinique d’UFORCA 2024 apporte une suite à cette double conséquence théorique qui termine le texte « Effet retour sur la psychose ordinaire ». MK relève que si l’on ne trouve pas l’expression « psychose ordinaire », en 2024, le « diagnostic sur mesure » par contre se précise, comme si l’un venait à la place de l’autre. Elle s’appuie sur une partie de la discussion de ce Colloque. Dans cette partie, alors que l’accent était porté sur le fait que le Nom-du-Père classique est en voie de disparition à notre époque, JAM rappelle que, si la jouissance est bien ce qui transgresse les limites posées par le principe de plaisir, il faut alors introduire un principe d’arrêt, un principe régulateur de la jouissance, une fonction nom du père, sous peine de ne plus pouvoir envisager la névrose. La question est donc une nouvelle fois posée. Ce principe d’arrêt peut être divers selon les époques et les civilisations. Il n’y a pas que le Nom-du- Père de l’Œdipe, d’autres éléments peuvent faire fonction du Nom-du-Père et venir réguler la jouissance.
De 2008 à 2024, la discussion se poursuit.
Écho proposé par Dorothée Cols, participante à la Section Clinique de Bruxelles, avec la contribution de Monique Kusnierek.
[1] Miller, J-A. Effet retour sur la psychose ordinaire. Quarto, n°94-95, 2008, p. 40-51.
[2] Diagnostics sur mesure. Études Cliniques Lacaniennes. Sous la direction de J-A. Miller. Presses psychanalytiques de Paris.
[3] Miller J-A., op. cit., p. 41.
[4] Lacan, J. D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose. Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 558.
[5] Miller J-A., op. cit., p.47.





